Grâce à la tomographie électronique, une équipe états-unienne a pu observer la manière dont le virus du Sida infecte le tissu intestinal. Les images obtenues révèlent certains secrets de cet agent infectieux encore indestructible.
Le système digestif est un lieu de passage de
nombreux agents infectieux et joue un rôle fondamental dans la défense
immunitaire. Il est notamment un des premiers organes à être attaqué par
le virus du Sida. En conséquence, de nombreux chercheurs essaient de comprendre comment ce virus infecte les cellules intestinales afin de développer de nouvelles stratégies thérapeutiques.
En utilisant une technique de microscopie électronique en transmission, appelée tomographie électronique, une équipe de l’institut de technologie de Californie a réussi à apercevoir en 3D l’infection du VIH dans le tube digestif. Cet exploit, présenté dans la revue Plos pathogens représente la caractérisation la plus détaillée à ce jour de l’entrée du VIH dans les cellules. « Observer l’infection en direct dans les tissus est une avancée prodigieuse », raconte Mark Ladinsky, le principal auteur de l’étude.

Image de tomographie électronique montrant un amas de particules virales (en bleu) localisé dans l’espace entre deux cellules. © Institut de technologie de Californie.
Pour y parvenir, les chercheurs ont implanté des
tissus intestinaux humains à l’intérieur de souris modifiées
génétiquement pour synthétiser un système immunitaire humain. « De cette façon, nous nous sommes rapprochés le plus possible des conditions réelles d’une infection chez l’Homme »,
explique le scientifique. Ils ont alors infecté ces souris par le VIH
puis ont prélevé un échantillon du tissu intestinal greffé qu’ils ont
observé par tomographie
électronique. Cette technique consiste à capturer des images du
prélèvement en l’inclinant progressivement degré par degré jusqu’à ce
qu’il forme un angle de 120 degrés avec le support. En alignant toutes
les images, on peut ainsi voir l’échantillon en 3D. « La plupart des observations du VIH par microscopie électronique se concentrent sur le virus lui-même ou sur l’infection de cellules cultivées en laboratoire, raconte Pamela Bjorkman, la directrice de l’étude. Nos travaux permettent de voir l’infection du VIH in vivo comme jamais auparavant. »
Une observation inégalée de l’infection par le VIH
Grâce à cette approche, les chercheurs ont pu confirmer certains résultats déjà obtenus in vitro. Ils ont par exemple observé la façon dont le virus
bourgeonne hors des cellules infectées et se déplace vers les tissus
environnants. Mais surtout, ces images ont permis de dévoiler certains
mystères du VIH encore jamais aperçus précédemment, comme la présence
d’amas de particules virales entre les cellules. Ils ont également
montré que les agglomérats de virus les plus éloignés d’une cellule
infectée étaient les plus matures. « Cela suggère qu’une cellule infectée libère les virus par vagues, explique Mark Ladinsky. Ils ne sortent pas de la cellule un par un mais plutôt par paquets. » Il continue : « Ces
amas sont situés dans des endroits où ne nous attendions pas à en
trouver, très profondément installés dans les tissus intestinaux, là où
il y a peu de cellules immunitaires. »
La tomographie électronique a également montré que
le VIH pouvait infecter les cellules de deux manières différentes.
Depuis de nombreuses années, les virologues pensent que le VIH se
propage d’une cellule à l’autre par contact direct entre deux cellules.
Les chercheurs ont pu confirmer cette hypothèse en observant ce
phénomène. « Nous avons pu voir une cellule infectée se rapprocher d’une autre, indique le chercheur. L’espace entre les deux, appelé synapse virologique, est une sorte de pont utilisé par les particules virales pour sauter d’une cellule à l’autre. »
Cependant, les amas de virus existent aussi à des
endroits où il n’y a pas de synapse virologique. Selon les auteurs, cela
suggère que le virus n’infecte pas uniquement les cellules qui sont en
contact, mais peut également pénétrer à l’intérieur d’une nouvelle
cellule une fois libéré dans le milieu extérieur. Ces données permettent
de mieux comprendre comment le virus du Sida réalise une infection et ouvrent de nouvelles pistes de traitement contre la maladie. « Nous espérons que nos résultats apporteront des moyens supplémentaires de lutte contre l'épidémie de Sida », conclut Pamela Bjorkman.